Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Publié depuis Overblog

Publié le par Jean-Alexandre Cappelaere

VAR MATIN 23 septembre 2020
Les pas de Françoise Calvalido sont hésitants... 
" Jean-Alexandre, tu es là ? " Silence.

Devant le Théâtre de l’Esplanade, la sexagénaire ne sait pas où 
s’arrêter. Elle ne discerne que des formes. En complément de sa canne, 
la malvoyante brandit une main pour se protéger d’un obstacle invisible. 
Quelques mètres plus loin, elle ne devine pas son ami qui arrive, guidé 
par son chien.

" Punaise, j’ai failli me prendre les banderoles de signalisation de 
travaux sur le boulevard Léon-Blum en arrivant. J’ai dû marcher sur la 
piste cyclable ", lui lance, grognon, Jean-Alexandre Cappelaere.

Stéphane Vadia rejoint ses deux acolytes. Des trois, ils est celui qui 
discerne le mieux l’environnement : " Je perçois les couleurs, les 
formes, mais pas les détails. ".

Ensemble, ils partent tester l’accessibilité du centre ancien de 
Draguignan. Et les premières difficultés ne tardent pas à arriver.

L’épreuve des poteaux.
En direction de la place du marché, Stéphane guide Françoise en la 
prenant par le bras, et Jean-Alexandre par la voix. Mais la progression 
du trio est difficile : la première manque de heurter un banc, le second 
un plot rétractable empêchant les voitures de s’engager sur la place Cassin.

En remontant la rue Cisson, le périple se met en pause quelques minutes. 
Jusqu’à ce que le propriétaire du chien relâche son attention. L’espace 
d’une seconde, il ne sait plus où il se trouve : " Nous sommes à l’Hôtel 
de ville ? ".

" Non, nous l’avons dépassé ", lui répond Stéphane. " Alors, à Jeff de 
Bruges ? " Loin derrière...

D’habitude, Jean-Alexandre utilise un GPS pour se repérer. " Ça me 
permet de savoir quelles boutiques je longe. " Sinon, il se guide à 
l’odeur des magasins d’alimentation :)😀 , aux bruits alentour, ou demande 
directement son chemin aux passants.

Françoise, elle, se fie aux courants d’air. " Je ne peux pas faire 
autrement, soupire-t-elle. Depuis qu’ils ont remplacé le revêtement par 
des pavés, il y a un an, impossible de savoir où je me trouve au bout 
d’un certain temps. Ma canne ne discerne plus les différences ; ça la 
secoue tout le temps. ".

En haut de la rue Georges-Cisson, elle sait qu’une ruelle s’ouvre sur sa 
gauche. Elle sent le vent sur sa joue. Ça y est. La place du Marché 
n’est plus qu’à quelques mètres. " Ici encore, ça va. Les personnes sont 
gentilles, les boutiques sont toutes accessibles. Et il n’y a pas de 
véhicules. Mais je ne vous raconte pas les frayeurs que nous nous 
faisons sur le boulevard Clemenceau ", lance Jean-Alexandre.

Pour aller travailler à la sous-préfecture, il doit passer par le bar 
tabac de la Poste.

" Ici, comme à hauteur des distributeurs automatiques de billets du 
Crédit agricole, les voitures se garent sur le trottoir. Mon chien me 
fait marcher sur la route, du coup. C’est dangereux. Et les voitures ne 
cessent de klaxonner. ".

Des véhicules que Françoise heurte parfois directement, incapable 
d’anticiper leur présence. " Je ne vous raconte pas la galère pour 
traverser la route aussi ", relance-t-elle.

Sur le boulevard, les passages pour piétons sont annoncés car cloutés. 
Mais pour autant, ils ne sont pas tous adaptés.

" Il n’y a qu’un feu de signalisation à assistance vocale qui 
fonctionne. C’est celui en face de la sous-préfecture. L’autre, je ne 
l’ai plus testé il y a longtemps, sur le boulevard Marx-Dormoy. C’est 
donc à nos risques et périls à chaque fois ", conclut Françoise en 
baissant la tête.



Malvoyants : ils racontent leur parcours du combattant.

Transports, passages piétons, ruelles, Internet… Les malvoyants peinent 
parfois à se déplacer dans la cité du Dragon. Trois d’entre eux ont 
testé, hier, l’accessibilité dans le centre ancien.

Jean-Alexandre Cappelaere et ses amis ont 
testé, hier midi, l’accessibilité en centre-ville.

Stéphane, Françoise et Jean-Alexandre utilisent régulièrement les bus de 
l’agglomération. Pas le choix : aucune navette prioritaire n’existe dans 
la commune. " Nous ne sommes qu’une quinzaine d’aveugles ici ", lance en 
guise de justification le propriétaire du chien guide. Sur le bord de la 
route, ils font un signe au chauffeur pour qu’il s’arrête, leur demande 
le numéro de ligne, les horaires, parfois les arrêts. Une fois installés 
à l’intérieur, ils se laissent guider par une voix de synthèse. " 
Parfois, les conducteurs oublient de la mettre. Parfois aussi, le son 
est trop bas. Il arrive que lorsqu’on change de ligne, le GPS ne se 
réinitialise pas, alors nous nous perdons ".

Les loisirs. Au cinéma CGR Chabran, une seule salle propose 
l’audiodescription [NDLR : une voix off décrit les scènes.

entre les dialogues]. Les malvoyants n’ont pas le choix du film et 
doivent réserver leur séance deux jours à l’avance.

L’accès à Internet. Sur le site de la Ville de Draguignan, 
l’audiodescription n’est pas active sur tous les onglets. Plus 
globalement, l’association Valentin Haüy estime à 10% les sites 
accessibles aux déficients visuels.

La Covid. Le port du masque rétrécit le champ de vision des malvoyants. 
Et la buée sur les lunettes est, pour eux, un problème supplémentaire.

L’accessibilité, c’est aussi...

ANAÏS GRAND.

VAR MATIN

Commenter cet article